Concernant le mariage et la possibilité de fonder une famille, le fond du problème porte sur la distinction à opérer entre un droit à l'enfant, revendiqué par les homosexuels en tant qu'il permettrait d'éviter une discrimination dont ils seraient victimes, et le droit de l'enfant, avancé par les opposants à la réforme, qui selon eux implique nécessairement que l'enfant ait un père et une mère, et non deux pères ou deux mères.
La doctrine de l'Église catholique sur la dignité et les droits de l'enfant est exposée dans la Doctrine sociale de l'Église (dans les n° consacrés à la famille, ainsi qu'aux n° 244 et 245). L'Église affirme que « la famille est le sanctuaire de la vie ». Cela implique notamment, selon le catéchisme de l'Église catholique (n° 2378), que « Le désir de maternité et de paternité ne justifie aucun « droit à l'enfant », tandis que les droits de l'enfant à naître sont évidents, enfant auquel doivent être garanties des conditions optimales d'existence, grâce à la stabilité de la famille fondée sur le mariage et la complémentarité des deux figures, paternelle et maternelle. »
Référence : Compendium de la doctrine sociale de l'Église, n° 235.
Ce sujet est si complexe qu'il amène à s'interroger sur les fondements de nos institutions actuelles. Notre système juridique repose sur la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, élaborée dans un contexte lié aux privilèges de la noblesse, contexte radicalement différent du contexte actuel, et qui est le résultat des réflexions philosophiques au XVIIIe siècle sur le droit naturel, comme l'indique le préambule de la déclaration :
« Les Représentants du Peuple Français, constitués en Assemblée Nationale [...], ont résolu d'exposer, dans une Déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'Homme, afin que cette Déclaration, constamment présente à tous les Membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs ».
Cette déclaration est apparue au fil du temps incomplète, puisqu'il a fallu ajouter des droits sociaux (préambule de la constitution de 1946) et des droits et des devoirs sur le plan de l'environnement (charte de l'environnement). Concernant les enfants, les effets de la révolution industrielle sur le travail des enfants et des deux guerres mondiales sur les droits plus généraux des enfants, ont abouti à l'élaboration à partir de 1979 (année internationale de l'enfance) d'une convention internationale des droits de l'enfant (adoptée en 1989). Il est question dans cette convention d'un intérêt supérieur de l'enfant, qui n'est malheureusement pas défini précisément, de sorte que l'on peut interpréter cette convention de diverses manières en ce qui concerne la situation des enfants vis-à-vis de leurs parents, père ou mère. En fait, à l'époque où cette convention a été discutée, tout comme à l'époque de la Révolution française, il était si évident qu'un enfant avait un père et une mère que l'on ne se posait même pas la question. Les familles homoparentales sont souvent le résultat de l'application de techniques de procréation artificielle à des personnes homosexuelles, et ces techniques ne sont apparues que dans les trente dernières années. Voilà le contexte inédit dans lequel nous nous trouvons.
Il faut souligner avec force qu'autoriser l'adoption par les homosexuels constitue déjà une violation très grave des droits de l'homme puisque, selon la déclaration de 1789, « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits » (article 1er). On se trouve avec une inégalité de fait entre des enfants ayant un père et une mère, et des enfants ayant deux pères ou deux mères, donc privés d'une mère ou d'un père. Si le Conseil constitutionnel a validé en 2013 cette loi, c'est parce que le droit naturel des enfants à avoir un père et une mère n'est pas reconnu. Cela serait encore plus grave si l'on autorisait la Procréation Médicalement Assistée ou la Gestation Pour Autrui pour les homosexuels. Il est absurde d'invoquer l'inégalité des « couples » homosexuels par rapport aux couples hétérosexuels, puisque, dans l'esprit de la déclaration des droits de l'homme, on ne considère que les droits des individus (pris isolément). La loi entraîne donc une rupture du pacte républicain.
Pour Portalis, l'un des pères du Code civil français, le mariage est essentiellement une institution de droit naturel. Dans le Discours préliminaire du premier projet de code civil (1801), il mentionne explicitement le caractère d'altérité sexuelle des conjoints : « Le rapprochement de deux sexes que la nature n'a faits si différents que pour les unir, a bientôt des effets sensibles. La femme devient mère : un nouvel instinct se développe, de nouveaux sentiments, de nouveaux devoirs fortifient les premiers. La fécondité de la femme ne tarde pas à se manifester encore. La nature étend insensiblement la durée de l'union conjugale, en cimentant chaque année cette union par des jouissances nouvelles, et par de nouvelles obligations. Elle met à profit chaque situation, chaque événement, pour en faire sortir un nouvel ordre de plaisirs et de vertus ».
D'autre part, la loi ignore les devoirs des adultes envers les générations futures.
La question des devoirs n'est pas détaillée dans la déclaration de 1789. Elle fait une apparition dans la charte de l'environnement, qui comme le soulignait le président Chirac, comporte une innovation fondamentale sur ce sujet.
Dans Observations sur le Droit naturel des hommes réunis en société (1765), François Quesnay rappelle le droit des enfants et les devoirs du père et de la mère :
« Un enfant, dépourvu de force et d'intelligence, a incontestablement un droit naturel à la subsistance, fondé sur le devoir prescrit par la nature au père et à la mère. Ce droit lui est d'autant plus assuré que le devoir du père et de la mère est accompagné d'un attrait naturel, qui agit beaucoup plus puissamment sur le père et plus particulierement sur la mère, que le motif du précepte qui établit le devoir. D’ailleurs ce devoir est dans l’ordre de la justice, car le père et la mère ne font que rendre à leurs enfants ce qu’ils ont reçu eux-mêmes de leurs père et mère ; or un précepte qui se rapporte à un droit juste oblige tout être raisonnable ».