Bien évidemment, l'Inquisition n'existe plus.
Le terme Inquisition peut désigner trois institutions :
- L'Inquisition médiévale, créée en 1234 pour lutter contre les hérésies cathare et vaudoise ;
- L'Inquisition espagnole, créée en 1478 ;
- La Sacrée congrégation de l'Inquisition romaine et universelle, ou Inquisition romaine, créée en 1542 pendant le concile de Trente pour lutter contre le protestantisme.
Aucune de ces institutions n'existe plus. L'Inquisition a été abolie en France en 1772, et l'Inquisition espagnole a été abolie en 1834.
Alors pourquoi certains prétendent-ils que l'Inquisition existe encore ?
Probablement parce qu'aujourd'hui existe à Rome une institution, appelée Congrégation pour la doctrine de la foi, dont l'objectif, similaire à celui qui avait été assigné à l'Inquisition, est de défendre la foi catholique. La Congrégation pour la doctrine de la foi a remplacé en 1965, sous Paul VI, le Saint-Office, lequel avait remplacé l'Inquisition romaine en 1908.
Si une institution en remplace une autre, la précédente n'existe plus.
En ce qui concerne la Congrégation pour la doctrine de la foi, hormis l'objectif général, ni le contexte, ni l'organisation, ni les méthodes ne permettent en aucune manière de la comparer avec l'Inquisition.
Le contexte
Nous sommes aujourd'hui dans une société entièrement sécularisée, dans laquelle les relations entre le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel sont réduites au minimum. L'Église catholique a compris depuis le pape Léon XIII (1878-1903) qu'il n'était pas bon qu'il y ait un mélange des genres entre le spirituel et le temporel, selon la parole de l'évangile Mt 22.21 : « Rendez à César ce qui appartient à César, et à Dieu ce qui appartient à Dieu ». Les théologiens catholiques admettent tous aujourd'hui que le modèle du catholicisme constantinien (un catholicisme promu par un monarque) n'est plus valide. Nous sommes de ce point de vue dans une situation comparable à celle du christianisme primitif, disons celle des trois premiers siècles de notre ère.
Les trois ordres du Moyen Âge (oratores, bellatores, laboratores) qui se sont perpétués dans les trois ordres de l'Ancien Régime (clergé, noblesse, tiers état), n'existent plus depuis l'abolition des privilèges sous la Révolution française. C'est un ecclésiastique français, l'abbé Sieyès, qui est à l'origine de la reconnaissance des droits du tiers état.
L'Église a admis la liberté de religion au concile Vatican II, par la déclaration Dignitatis Humanae. Cette déclaration constitue le fondement des relations entre l'Église catholique et les gouvernements séculiers, quelle(s) que soi(en)t la ou les religions des États correspondants
La Bible est aujourd'hui traduite dans plus de 2 400 langues, et disponible dans de nombreuses éditions sur la Toile dans des traductions à partir de l'hébreu et du grec, avec souvent des facilités de recherche. Depuis Vatican II, les messes sont dites en langue vernaculaire (lectures de la Parole de Dieu, homélies, liturgie), alors que pendant tout le Moyen Âge, les lectures de la Parole de Dieu se faisaient en latin (en Occident) langue non comprise par le peuple, ou en grec (en Orient). Il est évident que toute institution chrétienne qui s'aviserait aujourd'hui de s'écarter un tant soit peu de l'esprit de la Bible et de l'évangile serait immédiatement dénoncée par les acteurs de la société civile. On le voit bien aujourd'hui lorsque les propos du pape sont critiqués, en réalité le plus souvent parce qu'ils sont mal interprétés ou sortis de leur contexte.
Rappelons que, selon l'Observatoire de la liberté religieuse, 200 millions de chrétiens dans le monde ne peuvent pas vivre leur foi librement.
L'organisation
La congrégation pour la doctrine de la foi est un organisme central localisé à Rome. Il comporte 23 membres : 16 cardinaux, cinq archevêques, et deux évêques.
Les conférences épiscopales (en France, la Conférence des Évêques de France) comportent également des commissions doctrinales, mais qui ne sont pas à proprement parler des tribunaux.
Les méthodes
Les méthodes de l'Église ont radicalement changé.
L'Église ne jette plus l'interdit sur un État, comme elle le faisait au Moyen Âge.
Jamais l'Église n'encouragera aujourd'hui un fidèle à dénoncer son prochain sur des questions de foi, comme cela était le cas avec les édits de foi au Moyen Âge.
Le voudrait-elle qu'elle ne pourrait pas mettre en place des tribunaux ecclésiastiques décentralisés comme ce fut le cas à la fin du Moyen Âge et à l'époque moderne, puisque leurs membres ne pourraient bénéficier d'aucune protection de la part des pouvoirs locaux.
L'Inquisition n'a plus prononcé de condamnation à mort depuis le XVIIIe siècle et la torture a été abandonnée depuis fort longtemps.
Les méthodes de la Congrégation pour la doctrine de la foi sont radicalement différentes de celles de l'Inquisition :
Vis-à-vis des fidèles, afin de rappeler les fondements de la foi catholique, elle rédige des encycliques qu'elle met à disposition de tous sur la Toile. Un exemple de telles encycliques est Fides et ratio (septembre 1998). Elle met en garde dans ces encycliques contre des erreurs contemporaines, sans aucunement condamner qui que ce soit. Cela n'est-il pas légitime ? Est-ce qu'il n'y a pas des critiques littéraires ou des critiques de cinéma qui évaluent tous les romans ou les films qui paraissent ? Pourquoi l'Église n'en ferait-elle pas de même dans le domaine des croyances, puisque sa mission est d'annoncer l'évangile ?
Vis-à-vis du clergé, elle vérifie la validité des sacrements délivrés par les prêtres, essentiellement l'eucharistie et la réconciliation. Elle exige une certaine discipline de la part des prêtres catholiques, et dispose pour cela d'un pouvoir judiciaire. Elle se comporte vis-à-vis de la hiérarchie catholique un peu comme l'ordre des médecins pour la profession médicale.
Enfin, la Congrégation pour la doctrine de la foi peut être saisie pour des questions d'abus sexuels sur mineurs (pédophilie) si des prêtres catholiques se rendent coupables de tels actes. Elle est donc une instance de protection vis-à-vis des fidèles et de la société civile.
La Congrégation est chargée de l'examen des doctrines. La sanction disciplinaire la plus grave qu'elle puisse prononcer est l'excommunication latae sententiae, et elle ne peut concerner que les baptisés catholiques. De même, les commissions doctrinales des conférences épiscopales ne peuvent pas prononcer de sanctions plus graves que l'excommunication. L'Église ne se prononce pas sur le salut éternel d'un excommunié.
En pratique, l'Église ne prononce pas d'excommunications de simples baptisés ne pratiquant pas leur religion. Cela n'aurait d'ailleurs aucun effet sur ceux qui sont devenus indifférents sur le plan religieux. Des cas plus fréquents sont plutôt ceux de baptisés qui demandent eux-mêmes et en conscience à sortir de l'Église ; on appelle cela l'apostasie. Sans doute l'évolution générale des mœurs tend à leur voiler l'originalité du message de l'Église et de l'évangile. Le cas d'excommunication récent le plus connu est celui de Mgr Lefèbvre, qui justement n'acceptait pas les réformes de Vatican II : il a voté contre la déclaration Dignitatis humanae sur la liberté religieuse et en est resté à la messe en latin !
L'Église ne viole plus les consciences, elle défend au contraire la liberté de conscience. Mais que dire aujourd'hui des millions de personnes licenciées pour des motifs arbitraires ? Les conséquences matérielles et psychologiques sont souvent très graves. Ces exclus économiques viennent grossir, dans l'indifférence générale, les statistiques des sans domicile fixe et des suicides. Il y a en France 700 tentatives de suicide par jour, souvent pour des raisons de harcèlement moral au travail, et plus de 10 000 décès par suicides par an, soit un taux supérieur à la moyenne européenne.