Selon les propres termes de Pierre Musso, la pensée de Saint-Simon est à la source de nombreux courants de la philosophie contemporaine, voire des "idéologies" nées au XIXe siècle, aussi bien le "socialisme" notamment le marxisme et l'anarchisme proudhonien, que certains courants libéraux industrialistes, mais aussi le "positivisme" d'Auguste Comte (qui fut son secrétaire particulier de 1816 à 1824), une partie de la "sociologie", et plus récemment nombre de théories du management. Est-on conscient que Marx a lu Saint-Simon en français dans sa jeunesse et que pour cette raison la statue de Saint-Simon figurait à côté de celle de Lénine pendant la période communiste ? L'oeuvre de Saint-Simon est bel et bien un "noeud idéologique" selon le mot d'Antonio Gransci. On pourrait affirmer qu'il est la matrice des idéologies. C'est pourquoi, pour déjouer les idéologies du XIXe siècle et du début du XXe siècle, qui ont dégénéré en totalitarismes au XXe siècle (communisme, nazisme, fascisme, nationalismes divers), il convient d'y voir clair sur le saint-simonisme, et d'avoir conscience que nous avons affaire à une philosophie qui exclut Dieu de son champ d'investigation. Est-on conscient que le positivisme a été dénoncé par le cardinal Heni de Lubac (Le Drame de l'Humansme athée, 1942) et le maurrassisme a été dénoncé par Claude Prévotat, élève de René Rémond comme dérivant directement du positivisme (Les catholiques et l'Action française) ? On sait comment les nationalismes (nazisme en Allemagne, maurrassisme en France) ont été responsables des guerres qui ont ensanglanté le continent européen. Le cardinal de Lubac ou les autres théologiens n'ont malheureusement pas eu le temps ou les outils à leur disposition pour déjouer cette idéologie.
Une deuxième raison de s'intéresser au saint-simonisme est que l'idéologie de Saint-Simon s'est développée considérablement sous l'influence de nombreux polytechniciens à partir de la mort de Saint-Simon en 1825. Les ingénieurs polytechniciens ont récupéré ses idées pour forger le concept moderne de réseau à partir de l'idée de circulation des flux dans les années 1840 dans les chemins de fer on l'a vu.. Le saint-simonisme s'est développé dans l'entre-deux guerres à travers le groupe X-crise (après la grande dépression), et aujourd'hui il se développe à nouveau à travers le groupe X-sursaut depuis 2005 à la suite de l'échec du projet de constitution européenne de Valéry Giscard d'Estaing et des nouvelles crises qui se sont ensuivies. Le saint-simonisme reste actif dans certains grands corps techniques de l'Etat comme le corps des Mines (aujourd'hui fusionné avec le corps des Télécoms), le corps des Ponts (aujourd'hui corps des Ponts et des Eaux et Forêts). Il existe une société des études saint-simonienne.
Une troisième raison de s'intéresser au saint-simonisme est le retour de cette idéologie au sommet de l'Etat depuis l'élection d'Emmanuel Macron en 2007. Plusieurs personnalités qui sont elles-mêmes imprégnées d'idéologie le mentionnent, soit pour s'en réjouir (Jacques Julliard) soit pour le critiquer (Frédéric Rouvillois qu'on dit maurassien, source WP).
Une quatrième raison de s'intéresser au saint-simonisme est l'état actuel de motivation de la jeunesse, qui s'interroge sur les carrières que leurs ainés leur proposent.dans un contexte de crise lancinante et sur fond de dérèglement climatique. Il y a dans le saint-simonisme une réflexion sur trois types de flux qui dominent encore aujourd'hui la société française et même européenne : le savoir, l'argent, la considération. Trois éléments que nous serons amenés à analyser au prisme des valeurs chrétiennes authentiques. En particulier, la considération peut être ce qui motive le plus dans une carrière, quand ce n'est pas l'argent.
Une cinquième raison de s'intéresser au saint-simonisme est que cette idéologie n'est pas particulièrement favorable à l'environnement. On se souviendra par exemple que le journal saint-simonien Le Producteur affichait le but suivant : « Il s'agit de développer et de répandre les principes d'une philosophie nouvelle. Cette philosophie, basée sur une nouvelle conception de la nature humaine, reconnaît que la destination de l'espèce, sur ce globe, est d'exploiter et de modifier à son plus grand avantage la nature extérieure ». (OPG) On ne peut pas compter sur ceux qui ont créé les problèmes pour les résoudre, disait avec humour Albert Eintein.