Les dérèglements climatiques dont souffre notre planète, et dont il est prouvé que les êtres humains en sont à l'origine, placent l'homme devant ses responsabilités, afin qu'il assure sa propre survie.
« La femme vit que le fruit de l'arbre était bon à manger, agréable à la vue et désirable pour acquérir l'intelligence ; elle prit de son fruit et en mangea ; elle en donna aussi à son mari qui était avec elle, et il en mangea ». (Gn 3, 6)
C'est pourquoi les chrétiens réfléchissent aux fondements de cette responsabilité confiée par Dieu à l'homme. Cette responsabilité découle directement du premier livre de la Bible : la Genèse. Il appartient aux théologiens de définir une théologie de la Création qui puisse éclairer à la fois les chrétiens et tous les hommes et femmes de bonne volonté, pour les aider à exercer le mieux possible leurs responsabilités quotidiennes.
Après le récit, symbolique bien sûr, de la Création du monde au chapitre 1 de la Genèse, est relaté un deuxième récit de la Création aux chapitres 2 et 3, centré sur l'homme.
Au chapitre 2, il est écrit : « Yahweh Dieu prit l'homme et le plaça dans le jardin d'Eden pour le cultiver et pour le garder » (Gn 2, 15).
Par cette action de Dieu, l'homme est placé au centre de la Création (ce n'est bien sûr pas un centre physique, mais symbolique). Il n'est pas possesseur de cette Création, contrairement à ce que laissait entendre Descartes dans le Discours de la méthode (« nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature »), et le droit de propriété dont il peut jouir ne revêt aucun caractère absolu. Il n'en est pas non plus maître. Jésus met en effet en garde contre les maîtres de la loi et les Pharisiens (Mt 18, 1-12 ; Mc 12, 38-39 ; Lc 11, 43-46) : « Mais vous, ne vous faites pas appeler maître, car vous êtes tous frères et vous n'avez qu'un seul maître » (Mt 18, 8). Il est évident que cette conception tourne le dos radicalement au positivisme, qui renonçait à chercher les causes premières des choses. Mais c'est justement parce que les philosophies inspirées directement ou indirectement du positivisme, qui est une sorte de culte des morts ont placé l'Occident dans une impasse (Raquel Capurro, Le positivisme est un culte des morts) que les chrétiens trouveront dans la relecture de la Bible à la lumière de la Genèse les solutions qui assureront la survie de l'homme sur cette planète.
Ce point de vue est partagé par le judaïsme, puisque la Genèse fait partie de la Torah (Premier Testament des chrétiens).
Cette préoccupation de respect de la Création est également présente dans la tradition islamique. Abou Sa’id al-Khoudry a cité le Messager de Dieu (pbsl) disant :
« Le monde est bien beau et verdoyant, et Allah – qu’Il soit exalté – vous en a fait les garants afin de voir comment vous allez agir. »
Même si certaines spritualités n'ont pas à proprement parler un mythe de la Création, toutes les grandes religions et spiritualités, que ce soit le christianisme, le judaïsme, l'islam, le bouddhisme, l'hindouisme ou d'autres ont pour préoccupation de préserver la nature (Taleb Mohammed, « Les religions au chevet de la nature », Le Monde des religions, 2010).
L'homme est un gérant, un intendant. Dieu a donc confié à l'homme une responsabilité de gérance de la Création.
C'est pourquoi, pour les chrétiens, il faut proclamer un kérygme (contenu essentiel de la foi), qui intègre cette responsabilité confiée par Dieu à l'homme dès la Genèse. Il ne faut donc surtout pas oublier le Premier Testament, ce qui serait faire du marcionisme, mais à vrai dire plutôt « bibliser » qu'évangéliser.
Le philosophe allemand Hans Jonas a réfléchi sur les responsabilités des générations présentes à l'égard des générations futures (Le Principe responsabilité, Champs Flammarion, p. 89-94). Il a posé en principe une obligation d'existence des générations futures :
« Puisque de toutes façons existeront des hommes à l'avenir, leur existence qu'ils n'ont pas demandée, une fois qu'elle est effective, leur donne le droit de nous accuser nous, leurs prédécesseurs, en tant qu'auteurs de leur malheur, si par notre agir insouciant et qui aurait pu être évité, nous leur avons détérioré le monde ou la constitution humaine. Alors qu'ils peuvent tenir pour responsable de leur existence seulement leur géniteur immédiat (et que même là ils ont seulement droit à la plainte s'il y a des raisons spécifiques permettant de contester leur droit à avoir une progéniture), ils peuvent tenir des ancêtres lointains pour responsables des conditions de leur existence. Donc pour nous aujourd'hui », le droit qui se rattache à l'existence non encore actuelle, mais pouvant être anticipée, de ceux qui viendront plus tard, entraîne l'obligation correspondante des auteurs, en vertu de laquelle nous avons des comptes à leur rendre à propos de nos actes qui atteignent les dimensions de ce type d'effets. » (Hans Jonas, Le Principe responsabilité, Champs Flammarion, p. 91)
Il en résulte que la question posée par l'obligation d'existence des générations futures ne se pose pas sous l'angle des droits, mais plutôt des obligations, c'est-à-dire des devoirs :
« Nous n'avons pas tant à veiller sur le droit des hommes à venir - à savoir le droit au bonheur, ce qui, compte tenu du concept oscillant de bonheur, serait de toute façon un critère déplacé - que sur leur obligation, à savoir leur obligation d'être une humanité véritable : donc sur la faculté liée à cette obligation, la simple faculté de s'attribuer cette obligation, dont nous pouvons peut-être les priver avec l'alchimie de notre technologie « utopique ». Y veiller est notre obligation fondamentale à l'égard de l'avenir de l'humanité, dont dérivent seulement toutes les autres obligations à l'égard des hommes à venir » (Hans Jonas, Le Principe responsabilité, Champs Flammarion, p. 92-93).
Dans l'évangile, Jésus dit :
« Sera-t-il reconnaissant envers ce serviteur d’avoir exécuté ses ordres ? De même vous aussi, quand vous aurez fait tout ce que Dieu vous a commandé, dites-vous : Nous sommes des serviteurs quelconques : nous n’avons fait que notre devoir ».
La comparaison des fréquences d'occurrence des mots droit, devoir et commandement entre la Bible et la Toile francophone est très instructive :
|
Bible de Jérusalem |
Toile francophone |
Droit |
307 |
79 600 000 |
Droits (au pluriel) |
54 |
142 000 000 |
Devoir |
17 |
12 700 000 |
Devoirs (au pluriel) |
4 |
5 020 000 |
Commandement |
60 |
2 040 000 |
Commandements (au pluriel) |
165 |
908 000 |
Commandement / Droit |
19,5 % |
2,5 % |
Commandement / Droits |
111 % |
1,4 % |
Commandements / Droit |
53,7 % |
1,1 % |
Commandements / Droits |
306 % |
0,6 % |
On constate une très forte distorsion entre les fréquences d'occurrence des mots commandements et droits (rapport 1 / 500).
Dans la suite de cette page, je place le devoir de gérance au sommet des droits et des devoirs de l'homme.