Moyen Âge

Du risque de s'intéresser au Moyen Âge

Mon parcours professionnel a été bouleversé par le fait que, en 2002, lorsque j'ai commencé à chercher du travail après le passage à l'an 2000, j'ai reçu une remarque désobligeante au sujet de mon intérêt pour le Moyen Âge, au bureau des carrières de mon école (Polytechnique). Comme on commençait à parler des risques liés au réchauffement climatique (Jean-Marc Jancovici et le groupe X-environnement), j'avais indiqué dans mon CV un projet sur l'anticipation des risques, et dans mes centres d'intérêt l'histoire sous tous ses aspects, L'animateur de la séance m'a alors demandé à quelles périodes de l'histoire je m'intéressais. J'ai répondu le Moyen Âge et le XXe siècle. Il a alors dit qu'il connaissait « une psychanalyste nord-américaine qui pense que ceux qui s'intéressent au Moyen Âge sont des ivrognes et des drogués ». Cette remarque et l'éclat de rire général qu'elle a provoqué m'ont profondément blessé.

Le Moyen Âge revisité par les historiens médiévistes

Cette remarque est évidemment absurde lorsqu'on songe à des médiévistes célèbres comme Georges Duby, Régine Pernoud, Pierre Riché, Jacques Le Goff, Jacques Heers, Jacques Verger etc. Une liste plus complète de plus de 300 médiévistes français est disponible ici : Liste de médiévistes français.

Tous ces historiens s'accordent aujourd'hui pour penser que le Moyen Âge, loin d'être un âge sombre, est une époque où ont alterné des périodes de renaissance et des périodes difficiles.

A la suite d'un renouveau de l'historiographie médiévale, le terme « Renaissance » sert en effet à désigner les périodes de renouveau au Moyen Âge, comme par exemple :

Par exemple, les fameuses « terreurs de l'an mille », sont un mythe de la renaissance du XVIe siècle, repris par les historiens de l'époque romantique, dont Jules Michelet. La période correspond en fait à une renaissance, connue sous le nom de renaissance ottonienne.

Ce qui déplaît parfois aujourd'hui dans le Moyen Âge est le fait que la religion, chrétienne, juive ou musulmane, occupait une place importante dans la société de l'Occident chrétien, mais aussi bien sûr en Orient.

Difficulté de la correction fraternelle

Sans doute, pour bien respecter l'esprit de la correction fraternelle, aurais-je dû aller tout de suite voir l'animateur de la séance seul à seul à la fin de la séance pour lui demander avec douceur des explications. Mais comme j'avais lu sur la Toile des choses pas très catholiques sur Auguste Comte (ancien élève de Polytechnique), ma première réaction a été de chercher un livre sur ce philosophe à la librairie catholique la Procure. J'ai trouvé un ouvrage écrit par une psychanalyste sud-américaine, Raquel Capurro, intitulé : le positivisme est un culte des morts : Auguste Comte. J'en ai parlé au père Dumord, aumônier des anciens élèves de Polytechnique, qui m'a conseillé de faire une recension de l'ouvrage. Après avoir rédigé un projet de recension, je n'ai pas osé la publier dans le journal de l'association des anciens (La Jaune et la Rouge), les statuts de l'AX interdisant d'aborder les sujets religieux. Je me suis ensuite tourné vers le nouveau responsable du bureau des carrières, qui a organisé une réunion à trois. Mais l'animateur, ne voulant pas perdre la face, a alors nié avoir dit ces paroles, évoquant le livre les croisades vues par les Arabes. Je lui ai rapidement montré le livre sur Auguste Comte.

Ces péripéties montrent la difficulté d'appliquer la correction fraternelle dans un monde où l'information circule à grande vitesse et à grande échelle avec internet et les réseaux sociaux, et qu'il est techniquement possible de calomnier n'importe qui sur n'importe quel canal d'information. Il existe heureusement des garde-fous juridiques, des chartes de bonnes conduites... Par ailleurs, le péché a aujourd'hui le plus souvent une dimension collective. On parle de péché social, ou de structure de péché selon l'expression de Jean-Paul II. Une autre difficulté tient au fait que, dans une société sécularisée, où la religion est censée être cantonnée à la « sphère privée » (mauvaise interprétation du principe de laïcité), il est très difficile d'exprimer ses convictions religieuses. Le meilleur moyen de parer à cette difficulté est le témoignage. Il faut infiniment d'humilité et d'amour du prochain pour bien appliquer la correction fraternelle.

Purification de la mémoire

Pour dire à quel point j'ai été marqué, lorsque j'ai commencé à contribuer à Wikipédia en 2005, j'ai d'abord enrichi les articles sur Auguste Comte, le positivisme (des idéologies athées selon le théologien Henri de Lubac), ainsi que sur le saint-simonisme, qui ont profondément influencé les milieux polytechniciens au XIXe siècle pendant la première révolution industrielle. J'ai également créé en juillet 2006 l'article Repentance de l'Eglise catholique, pour bien montrer que, sous l'impulsion de Jean-Paul II, dans les années 1992-2000, et encore après, l'Eglise avait reconnu les fautes de certains chrétiens sur la persécution des Juifs, les croisades, l'Inquisition, le sac de Constantinople, etc; sans oublier l'affaire Galilée, qui marque la naissance de la science moderne. De la même façon que les Juifs ne sont pas responsables de la mort du Christ, les chrétiens d'aujourd'hui ne sauraient être tenus responsables des manquements de certains de leurs prédécesseurs par rapport au message de la Bible et de l'évangile. Les fautes des chrétiens dans le passé, quelles que soient leur appartenance, n'enlèvent rien au message de la Bible, qui reste toujours d'actualité. L'objectif de Jean-Paul II est la purification de la mémoire, qui consiste à demander pardon pour les fautes commises par les chrétiens, mais aussi à pardonner les fautes commises contre les chrétiens. Il s'agit de tirer les leçons du passé pour agir de manière responsable.

Bibliographie

  • Régine PernoudPour en finir avec le Moyen Âge, Seuil, Points Histoire, 1977,
     
  • Pierre RichéLes Grandeurs de l'an mille, Bartillat, 1999.
     
  • Jacques HeersLe Moyen Âge, une imposture, Paris, Tempus, 2008, 2e éd., 358 p.
     
  • Laure Verdon, Le Moyen Âge : 10 siècles d'idées reçues, Le Cavalier bleu, 2014.
     
  • Nicolas Weill-Parot (dir.) et Véronique Sales (dir.), Le Vrai Visage du Moyen Âge : au-delà des idées reçues, Vendémiaire, 2017.

Liens externes

Commission théologique internationale : mémoire et réconciliation - l'Eglise et les fautes du passé http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/cti_documents/rc_con_cfaith_doc_20000307_memory-reconc-itc_fr.html

 

Image du Moyen Âge dans la Wikipédia francophone