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Droits et devoirs

La France, pays des droits de l'homme

Lors de son premier voyage en France en 1980, le pape Jean-Paul II a prononcé au Bourget une homélie restée célèbre, dans laquelle il interpellait les Français de la manière suivante :

« Que n’ont pas fait les fils et les filles de votre nation pour la connaissance de l’homme, pour exprimer l’homme par la formulation de ses droits inaliénables ! On sait la place que l’idée de liberté, d’égalité et de fraternité tient dans votre culture, dans votre histoire. Au fond, ce sont là des idées chrétiennes. Je le dis tout en ayant bien conscience que ceux qui ont formulé ainsi, les premiers, cet idéal, ne se référaient pas à l’alliance de l’homme avec la sagesse éternelle. Mais ils voulaient agir pour l’homme ».

Il concluait son homélie ainsi :

« Alors permettez-moi, pour conclure, de vous interroger :
France, fille aînée de l'Église, es-tu fidèle aux promesses de ton baptême ?

Permettez-moi de vous demander :
France, Fille de l’Église et éducatrice des peuples, es-tu fidèle, pour le bien de l’homme, à l’alliance avec la sagesse éternelle ? »

On estime généralement que c'est l'édit de Milan, promulgué par l'empereur romain Constantin Ier pour autoriser la liberté de culte aux chrétiens (313), qui est à l'origine de la notion de droits de l'homme, en particulier de la liberté religieuse contenue dans la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (article 10), et dans la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 adoptée à Paris (article 18) qui inspire les organisations internationales depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

 

Docteur de la loi

Le Christ s'adresse à un docteur de la Loi (Lc 11, 42-46)

Être fidèle à l'alliance avec la sagesse éternelle, c'est, comme l'a enseigné le Christ, ne pas se laisser emprisonner par les lois humaines :

« Malheureux êtes-vous, pharisiens, parce que vous payez la dîme sur toutes les plantes du jardin, comme la menthe et la rue, et vous laissez de côté la justice et l'amour de Dieu. Voilà ce qu'il fallait pratiquer, sans abandonner le reste. Malheureux êtes-vous, pharisiens, parce que vous aimez les premiers rangs dans les synagogues, et les salutations sur les places publiques. Malheureux êtes-vous, parce que vous êtes comme ces tombeaux qu'on ne voit pas et sur lesquels on marche sans le savoir ». Alors un docteur de la Loi prit la parole : « Maître, en parlant ainsi, c'est nous aussi que tu insultes ». Jésus reprit : « Vous aussi, les docteurs de la Loi, malheureux êtes-vous, parce que vous chargez les gens de fardeaux impossibles à porter, et vous-mêmes, vous ne touchez même pas ces fardeaux d'un seul doigt. » (Lc 11, 42-46)

Pour le pape François, le mot « solidarité » ne doit plus être compris comme « simple assistance aux plus pauvres mais comme une remise à plat globale de tout le système ».

Lors d'une réunion du groupe X-philosophie en 2013, le philosophe qui était invité a estimé que les réflexions philosophiques à l'origine du concept de développement durable n'ont pas été poussées assez loin, contrairement à ce qui s'est passé au siècle des Lumières pour la définition des droits de l'homme.

Respecter la Création

Les dérèglements climatiques dont souffre notre planète, et dont il est prouvé que les êtres humains en sont à l'origine, placent l'homme devant ses responsabilités, afin qu'il assure sa propre survie.

 

Adam et Ève

« La femme vit que le fruit de l'arbre était bon à manger, agréable à la vue et désirable pour acquérir l'intelligence ; elle prit de son fruit et en mangea ; elle en donna aussi à son mari qui était avec elle, et il en mangea ». (Gn 3, 6)

C'est pourquoi les chrétiens réfléchissent aux fondements de cette responsabilité confiée par Dieu à l'homme. Cette responsabilité découle directement du premier livre de la Bible : la Genèse. Il appartient aux théologiens de définir une théologie de la Création qui puisse éclairer à la fois les chrétiens et tous les hommes et femmes de bonne volonté, pour les aider à exercer le mieux possible leurs responsabilités quotidiennes. 

Après le récit, symbolique bien sûr, de la Création du monde au chapitre 1 de la Genèse, est relaté un deuxième récit de la Création aux chapitres 2 et 3, centré sur l'homme.

Au chapitre 2, il est écrit : « Yahweh Dieu prit l'homme et le plaça dans le jardin d'Eden pour le cultiver et pour le garder » (Gn 2, 15).

Par cette action de Dieu, l'homme est placé au centre de la Création (ce n'est bien sûr pas un centre physique, mais symbolique). Il n'est pas possesseur de cette Création, contrairement à ce que laissait entendre Descartes dans le Discours de la méthode (« nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature »), et le droit de propriété dont il peut jouir ne revêt aucun caractère absolu. Il n'en est pas non plus maître. Jésus met en effet en garde contre les maîtres de la loi et les Pharisiens (Mt 18, 1-12 ; Mc 12, 38-39 ; Lc 11, 43-46) : « Mais vous, ne vous faites pas appeler maître, car vous êtes tous frères et vous n'avez qu'un seul maître » (Mt 18, 8). Il est évident que cette conception tourne le dos radicalement au positivisme, qui renonçait à chercher les causes premières des choses. Mais c'est justement parce que les philosophies inspirées directement ou indirectement du positivisme, qui est une sorte de culte des morts ont placé l'Occident dans une impasse (Raquel Capurro, Le positivisme est un culte des morts) que les chrétiens trouveront dans la relecture de la Bible à la lumière de la Genèse les solutions qui assureront la survie de l'homme sur cette planète.

Ce point de vue est partagé par le judaïsme, puisque la Genèse fait partie de la Torah (Premier Testament des chrétiens).

Cette préoccupation de respect de la Création est également présente dans la tradition islamique. Abou Sa’id al-Khoudry a cité le Messager de Dieu (pbsl) disant :

« Le monde est bien beau et verdoyant, et Allah – qu’Il soit exalté – vous en a fait les garants afin de voir comment vous allez agir. »

Même si certaines spritualités n'ont pas à proprement parler un mythe de la Création, toutes les grandes religions et spiritualités, que ce soit le christianisme, le judaïsme, l'islam, le bouddhisme, l'hindouisme ou d'autres ont pour préoccupation de préserver la nature (Taleb Mohammed, « Les religions au chevet de la nature », Le Monde des religions, 2010).

L'homme est un gérant, un intendant. Dieu a donc confié à l'homme une responsabilité de gérance de la Création.

C'est pourquoi, pour les chrétiens, il faut proclamer un kérygme (contenu essentiel de la foi), qui intègre cette responsabilité confiée par Dieu à l'homme dès la Genèse. Il ne faut donc surtout pas oublier le Premier Testament, ce qui serait faire du marcionisme, mais à vrai dire plutôt « bibliser » qu'évangéliser.

Le philosophe allemand Hans Jonas a réfléchi sur les responsabilités des générations présentes à l'égard des générations futures (Le Principe responsabilité, Champs Flammarion, p. 89-94). Il a posé en principe une obligation d'existence des générations futures :

« Puisque de toutes façons existeront des hommes à l'avenir, leur existence qu'ils n'ont pas demandée, une fois qu'elle est effective, leur donne le droit de nous accuser nous, leurs prédécesseurs, en tant qu'auteurs de leur malheur, si par notre agir insouciant et qui aurait pu être évité, nous leur avons détérioré le monde ou la constitution humaine. Alors qu'ils peuvent tenir pour responsable de leur existence seulement leur géniteur immédiat (et que même là ils ont seulement droit à la plainte s'il y a des raisons spécifiques permettant de contester leur droit à avoir une progéniture), ils peuvent tenir des ancêtres lointains pour responsables des conditions de leur existence. Donc pour nous aujourd'hui », le droit qui se rattache à l'existence non encore actuelle, mais pouvant être anticipée, de ceux qui viendront plus tard, entraîne l'obligation correspondante des auteurs, en vertu de laquelle nous avons des comptes à leur rendre à propos de nos actes qui atteignent les dimensions de ce type d'effets. » (Hans Jonas, Le Principe responsabilité, Champs Flammarion, p. 91)

Il en résulte que la question posée par l'obligation d'existence des générations futures ne se pose pas sous l'angle des droits, mais plutôt des obligations, c'est-à-dire des devoirs :

« Nous n'avons pas tant à veiller sur le droit des hommes à venir - à savoir le droit au bonheur, ce qui, compte tenu du concept oscillant de bonheur, serait de toute façon un critère déplacé -  que sur leur obligation, à savoir leur obligation d'être une humanité véritable : donc sur la faculté liée à cette obligation, la simple faculté de s'attribuer cette obligation, dont nous pouvons peut-être les priver avec l'alchimie de notre technologie « utopique ». Y veiller est notre obligation fondamentale à l'égard de l'avenir de l'humanité, dont dérivent seulement toutes les autres obligations à l'égard des hommes à venir » (Hans Jonas, Le Principe responsabilité, Champs Flammarion, p. 92-93).

Dans l'évangile, Jésus dit :

« Sera-t-il reconnaissant envers ce serviteur d’avoir exécuté ses ordres ? De même vous aussi, quand vous aurez fait tout ce que Dieu vous a commandé, dites-vous : Nous sommes des serviteurs quelconques : nous n’avons fait que notre devoir ».

La comparaison des fréquences d'occurrence des mots droit, devoir et commandement entre la Bible et la Toile francophone est très instructive :

  Bible de Jérusalem Toile francophone
Droit 307 79 600 000
Droits (au pluriel) 54 142 000 000
Devoir 17 12 700 000
Devoirs (au pluriel) 4 5 020 000
Commandement 60 2 040 000
Commandements (au pluriel) 165 908 000
Commandement / Droit 19,5 % 2,5 %
Commandement / Droits 111 % 1,4 %
Commandements / Droit 53,7 % 1,1 %
Commandements / Droits 306 % 0,6 %

 

On constate une très forte distorsion entre les fréquences d'occurrence des mots commandements et droits (rapport 1 / 500).

Dans la suite de cette page, je place le devoir de gérance au sommet des droits et des devoirs de l'homme.

Origine de la notion contemporaine de droits

La notion contemporaine de droits dérive des droit naturels qui, selon les théories du contrat social, étaient attachés à l'homme dans un état de nature, censé décrire son état avant l'existence des sociétés organisées. On a commencé à parler d'état de nature vers le XVIIe siècle, probablement lorsque l'on s'est posé la question de l'origine des objets que l'on découvrait dans la nature et qui ont pu appartenir à des hommes primitifs. Ces objets ont été rassemblés dans des cabinets de curiosités, qui ont joué un grand rôle dans l'apparition de la science moderne. Cependant, l'histoire de la pensée étant mal connue entre la Réforme et l'avénement de la science moderne (Galilée, Descartes), il n'existe pas, à ma connaissance, de référence permettant d'attester un lien entre les cabinets de curiosité et l'apparition de la notion d'état de nature et de droits naturels.

Il existe principalement trois philosophes à l'époque moderne qui ont développé une pensée sur l'état de nature : Thomas Hobbes, John Locke, et Jean-Jacques Rousseau. Leur pensée découle d'une application des principes rationalistes dans le domaine politico-juridique. Tous les trois ont en commun de s'inspirer, directement ou indirectement, de la pensée de Descartes, et d'introduire une rupture radicale par rapport à la philosophie scolastique apparue au XIIe siècle. Ces trois penseurs n'ont pas une conception commune de l'état de nature. Du reste, il faut souligner que l'état de nature apparaît aujourd'hui comme une fiction : il n'a jamais existé. Aussi loin que l'on remonte dans le temps, les premiers hommes ont très vraisemblalement vécu en société. Les groupes sociaux étaient évidemment beaucoup plus simples qu'aujoud'hui, mais ils existaient. À l'époque néolithique (après 9000 av. J.-C.), il existait déjà des villages et même des petites villes, telles que Jéricho. À l'èpoque paléolithique, l'homme vivait plutôt dans des grottes, mais toujours en groupes. Il faut ajouter que Jean-Jacques Rousseau ne croyait pas à la doctrine du péché originel, parce qu'il trouvait que c'était un péché « pour lequel nous sommes punis très justement des fautes que nous n’avons pas commises ». La doctrine de Rousseau correspond donc à une remise en cause du message biblique du second récit de la Création dans la Genèse. Il avait d'ailleurs été critiqué par l'Église catholique parce qu'elle considérait que c'était du pélagianisme (c'est-à-dire la négation du péché originel).

La notion d'état de nature a été inventée avant l'apparition de la science préhistorique au XIXe siècle. Elle ne repose sur aucun fondement scientifique. On a donc construit une théorie des droits naturels qui ne repose sur aucun fondement scientifique. Les droits naturels qui figurent dans la déclaration de 1789, tels que la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression (article 2), même s'ils correspondent à des droits fondamentaux, devraient être reconsidérés à la lumière des découvertes scientifiques des deux derniers siècles. En particulier, le libéralisme économique s'appuie sur le concept juridique de liberté du commerce et de l'industrie (LCI), apparue avec le décret d'Allarde et la loi Le Chapelier en 1791. Sur le plan constitutionnel, la liberté du commerce et de l'industrie, donc la liberté d'entreprendre, sont fondées sur la liberté et la propriété (en particulier la propriété des outils de production). C'est tout cela qui devrait être reconsidéré avec l'objectif de respect de la Création.

On objectera que le Livre de la Genèse ne repose pas non plus sur des fondements scientifiques. Il faut donc souligner que les chapitres 1 à 11 du Livre de la Genèse appartiennent au genre littéraire du mythe, c'est-à-dire que ce sont des vérités tellement profondes sur l'homme qu'elles ne peuvent pas être exprimées par des concepts scientifiques ou philosophiques. Il s'agit d'un livre inspiré. En particulier, cette tentation qu'a l'homme depuis l'époque moderne de s'approprier une connaissance illimitée, et d'acquérir un pouvoir absolu sur la nature, est clairement illustrée à travers le symbole de l'arbre de la connaissance du bien et du mal.

Revoir les fondements du système juridique français

Rama Yade

Rama Yade, secrétaire d'État chargée des Affaires étrangères et des droits de l'homme de 2007 à 2009

En France, les fondements du système juridique sont constitués par le bloc de constitutionnalité :

 

Philosophie sous-jacente

Si nous nous intéressons à la déclaration des droits de l'homme, ce qui l'a inspirée, c'est la philosophie des Lumières, et notamment :

  • la référence à l'Être suprême, qui figure dans le préambule, est issue de la pensée de Leibnitz et de Newton ;
  • les articles 1er (les hommes naissent libres et égaux en droit...) et 6 (la loi est l'expression de la volonté générale...), sont essentiellement inspirés du contrat social de Jean-Jacques Rousseau.

Les théories du contrat social ont été développées aux XVIIe et XVIIIe siècles par Hugo Grotius, Thomas Hobbes, John Locke et Jean-Jacques Rousseau. Chez Rousseau, cette théorie repose sur l'idée que l'être humain est passé de l'état de nature à l'état de société, et abandonne alors une partie de sa liberté à l'État, qui fixe des lois selon la volonté générale des citoyens. Or cet état de nature repose sur une fiction, qui écarte tous les faits de l'histoire, et se substitue à la doctrine chrétienne du péché originel à laquelle Rousseau ne croyait pas, et qu'il a toujours résolument combattue. Il parlait avec ironie de ce péché « pour lequel nous sommes punis très justement des fautes que nous n’avons pas commises ». La doctrine du péché originel a été élaborée au début du Ve siècle par le théologien chrétien Augustin d'Hippone, en réaction aux idées du moine Pélage, et a été affirmée au 16e concile de Carthage en 418. Elle a été reformulée au concile de Trente (1545-1563), mais n'a apparemment pas vraiment convaincu les milieux protestants. Elle est liée au dogme de l'Immaculée Conception, proclamé le 8 décembre 1854 par Pie IX. Rousseau, sans être athée, niait la nécessité des médiations, que ce soit par les prêtres ou les théologiens. À sa décharge, il faut reconnaître qu'à son époque, il n'y avait pas de très bons théologiens.

Selon le prêtre catholique François Brune, la tradition théologique occidentale a été parasitée par la pensée de saint Augustin, qui a bâti sa théologie du péché originel sur une erreur de traduction d'un passage célèbre de l’épître aux Romains (Rm, 5, 12-15). Saint Augustin, travaillant sur un exemplaire de la Vulgate incorrect et parfois lacunaire, écrivit que « par Adam, dans lequel tous ont péché, le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort, et qu’ainsi la mort a passé en tous les hommes » alors qu'il fallait lire « par Adam, le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort, et qu’ainsi la mort a passé en tous les hommes, du fait que tous ont péché ». Il semble que l'Église catholique soit embarrassée par l'éventualité d'une faille dans la doctrine d'un de ses grands théologiens, d'autant plus qu'elle est liée à un dogme pour lequel a été proclamée l'infaillibilité pontificale. Elle cherche à s'en sortir en affirmant dans le catéchisme que le péché a été « contracté », mais n'a pas été « commis ».

Dans le mythe biblique du « péché originel » (la Bible emploie l'expression « péché d'Adam »), on explique que l'homme désobéit à l'interdiction donnée par Dieu de manger le fruit défendu de l'Arbre de la connaissance du bien et du mal. Il devient alors mortel et perd la grâce originelle dans laquelle il se trouvait lorsqu'il a été placé dans le jardin d’Éden (Gn 3, 1-24). L'homme a abusé de sa liberté, il n'a pas accepté sa condition de créature, et a voulu se mettre à la place de Dieu. C'est bien ce qui s'est passé lorsque Descartes a affirmé que l'homme pouvait mettre en œuvre une philosophie pratique par laquelle il pouvait se rendre « comme maître et possesseur de la nature ».

Quoi qu'il en soit, Rousseau a été indirectement influencé par Descartes, via Malebranche d'une part, et Condillac / John Locke d'autre part. On peut émettre l'hypothèse que Rousseau était pélagien, et que l'essentiel du système législatif français repose sur des fondements fragiles, ou à tout le moins à clarifier. Cela explique les contradictions de notre système juridique qui en vient à autoriser des lois transgressives. Cela explique aussi que certains auteurs voient dans le contrat social de Rousseau l'origine des totalitarismes contemporains. Il faut s'attendre à ce que le paradigme des Lumières s'effondre dans les prochaines décennies, en donnant toutes sortes de bouleversements qu'il est encore impossible de prévoir. Je l'ai expliqué dans la page « changement de paradigme » de ce site.

Il est urgent que l'Église catholique, en relation avec les autres courants du christianisme, clarifie la théologie de la Création en donnant une lecture actualisée du mythe bliblique du péché d'Adam.

 

Conséquences

Il en résulte que les textes du bloc de constitutionnalité, surtout les quatre premiers, manquent de lisibilité sur quatre aspects :

  • la prise en compte de la responsabilité des générations présentes envers les générations futures ;
  • l'articulation entre les droits et les devoirs ;
  • l'articulation entre l'individuel et le collectif, le local et le global ;
  • l'articulation entre les responsabilités des pouvoirs publics (État, collectivités territoriales, services publics), des professionnels privés (entreprises productrices de biens et de services, professions libérales), et de la société civile (Organisations non gouvernementales, associations, particuliers).

On voit que ce flou engendre régulièrement les plus grandes polémiques, par exemple sur l'ouverture du mariage aux « couples » de personnes de même sexe, sur la construction d'infrastructures (aéroport du Grand-Ouest...), sur la restriction de la liberté d'expression en cas de propos racistes ou antisémites (affaire Dieudonné...), sur le droit du sol (affaire Leonarda)...

Surtout, le fait que la notion de devoirs humains soit beaucoup moins institutionnalisée que celle des droits de l'homme, et l'asymétrie qui en résulte entre les droits et les devoirs, sont une cause de fragilité pour le système juridique français, mais aussi pour les autres systèmes juridiques dans le monde, qui s'en inspirent le plus souvent.

Les quatre premiers textes considérés comme fondamentaux ont engendré depuis un peu plus de deux siècles un empilement de codes juridiques (68 au total), de directives, et de principes constitutionnels auquel les juristes eux-mêmes ne comprennent plus grand-chose. La complexité de ce système pose des problèmes d'insécurité juridique, qui ont été justement dénoncés par deux rapports du Conseil d'État en 1991 et en 2006.

 

Devise de la République

A côté de ces quatre premiers textes du bloc de constitutionnalité existe la devise de la République, mentionnée par trois fois dans la constitution de 1958 : « La devise de la République est « Liberté, Égalité, Fraternité »  » (article 2). Or, le mot fraternité, qui engendre théoriquement tout un ensemble d'obligations morales, c'est-à-dire de devoirs, n'est mentionné explicitement dans aucun des trois textes du bloc de constitutionnalité. Il semble que la conception que nous avons de l'égalité ne cadre pas exactement avec la justice, et que la grave omission de la fraternité nous écarte du commandement du Christ : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». Comme le dit le pape François dans son exhortation apostolique Evangelii gaudium (n° 92), le « comme je vous ai aimés » implique « une fraternité mystique, contemplative, qui sait regarder la grandeur sacrée du prochain, découvrir Dieu en chaque être humain, qui sait supporter les désagréments du vivre ensemble en s’accrochant à l’amour de Dieu, qui sait ouvrir le cœur à l’amour divin pour chercher le bonheur des autres comme le fait leur Père qui est bon ». Oublier la fraternité, c'est oublier l'amour de Dieu. C'est bien ce que disait le Christ dans le passage rapporté dans l'introduction de cette page : les pharisiens laissent de côté la justice et l'amour de Dieu.

 

Symétrie entre droits et devoirs

Dans Pacem in Terris, considérée comme l'une des encycliques les plus importantes du XXe siècle, saint Jean XXIII évoque les relations entre les droits et les devoirs des personnes, notamment le « rapport indissoluble entre droits et devoirs dans une même personne » et la « réciprocité de droits et de devoirs entre personnes différentes » (n° 28 à 30).

 

Une question de survie

Considérer les quatre premiers textes du bloc de constitutionnalité comme intouchables risquerait d'entraîner le même type de problèmes que celui de la controverse ptoléméo-copernicienne au XVIIe siècle, lorsque les théologiens catholiques interprétaient les traductions de la Bible dans un sens purement littéral, oubliant qu'il ne s'agissait que de traductions. Il n'y avait pourtant qu'une dizaine de passages de la Bible qui laissaient entendre que la Terre était fixe. Aujourd'hui, les enjeux sont autrement plus graves, puisque la gestion des problèmes environnementaux, et plus largement sociétaux, conditionne la survie de l'espèce humaine.

Prendre en compte la responsabilité des générations présentes envers les générations futures

L'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco) a produit dès 1997 une déclaration sur les responsabilités des générations présentes envers les générations futures. Cette déclaration met l'accent sur la responsabilité des générations présentes, autrement dit sur la notion de devoirs. Dans l'article 12, on y évoque la nécessaire mise en œuvre par les États de mesures appropriées en matière d'éducation, de formation, et d'information.

Les générations futures posent un problème aux juristes, puisque celles-ci n'existent pas encore ! On a d'ailleurs pu constater que le Conseil pour les droits des générations futures créé en 1993 n'a eu aucune activité significative. Le problème des initiatives récentes tient au fait qu'on limite la prise en compte des intérêts des générations futures à une question de droits de ces générations, et au domaine de l'environnement.

Selon, un proverbe amérindien rapporté par Antoine de Saint-Exupéry, « Nous n'héritons pas la Terre de nos ancêtres, nous l'empruntons à nos enfants ». Cela signifie que nous avons plus de devoirs vis-à-vis des générations futures que nous n'avons de droits vis-à-vis des générations qui nous ont précédés.

Selon le philosophe allemand Hans Jonas, qui a le premier formulé une philosophie liée aux problèmes climatiques et envronnementaux (Le Principe responsabilité, 1979, p. 91) :

« Le droit qui se rattache à l'existence non encore actuelle, mais pouvant être anticipée, de ceux qui viendront plus tard, entraîne l'obligation correspondante des auteurs, en vertu de laquelle nous avons des comptes à leur rendre à propos de nos actes qui atteignent les dimensions de ce type d'effets ».

 

Fœtus

Les générations présentes ont des devoirs envers les générations futures

Autrement dit, l'exercice des responsabilités des générations présentes envers les générations futures ne peut se faire que par une introduction structurée dans le droit de la notion de devoirs, et par la prise en compte de cette notion non seulement dans le domaine environnemental, mais aussi dans les domaines social et économique, afin de couvrir les trois piliers du développement durable.

La tradition judéo-chrétienne connaît avant tout la notion de commandement : le Décalogue dans le Premier Testament, et le commandement du Christ : « aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». La notion de devoir est liée à une obligation morale.

La notion de devoirs est surtout présente dans des codes juridiques sous forme de quelques codes de déontologie (déontologie signifie « devoir » en grec), comme le code de déontologie médicale, ou des mentions plus ou moins ponctuelles, comme le devoir d'assistance entre époux dans le cadre du mariage. Mais la notion de devoir n'a pas reçu de consécration institutionnelle au même titre que celle des droits de l'homme. Le fait que la notion de devoir soit quasiment absente des quatre premiers textes du bloc de constitutionnalité (à l'exception de trois articles du préambule de la Constitution de 1946 et de l'article 2 de la Charte de l'environnement) est une omission très grave, en grande partie due à l'Histoire.

C'est pourquoi, conformément au principe de respect de la Création, je propose d'introduire une responsabilité de gérance par les pouvoirs publics, qui soit au sommet des droits et des devoirs des citoyens et des diverses composantes de la société.

Il faudrait que le premier article d'une déclaration soit :

« Les pouvoirs publics ont une responsabilité de gérance, afin que les générations présentes puissent exercer leurs devoirs envers les générations futures ».

Ajoutons qu'il n'y a pas à craindre qu'un tel changement de philosophie, qui se traduirait par une responsabilité accrue des pouvoirs publics, entraîne une dérive des dépenses publiques. En effet, trop d'agents des services publics confondent le devoir de service avec le droit de la sécurité de l'emploi à vie. L'obésité de l'État n'est que le résultat d'une mauvaise gestion.

Ensuite, exercer notre responsabilité envers les générations futures, c'est reconnaître un droit naturel, qui est le plus élémentaire et le plus fondamental de tous : le droit naturel des enfants à avoir un père et une mère à la naissance. Ce droit était si évident à l'époque des Lumières que l'on n'y pensait même pas. Mais le développement des techniques biologiques a rendu toutes sortes de choses possibles, sans que l'homme connaisse bien les limites de ses pouvoirs. Comme je l'ai mentionné dans la page « changement de paradigme », la modernité a rendu beaucoup d'êtres humains apprentis sorciers. C'est parce que ce droit naturel n'est reconnu dans aucun système juridique dans le monde que des lois ouvrant le mariage aux « couples » de personnes de même sexe peuvent apparaître dans certains pays, comme la France maintenant. Ces lois remettent en cause le principe de reproduction par différenciation sexuée, qui existe depuis environ un milliard d'années sur notre planète. Charles Darwin a théorisé ce principe dans son ouvrage La Filiation de l'homme et la sélection liée au sexeNous basculons dans l'inconnu, et le principe de précaution, réservé constitutionnellement à l'environnement, n'a pas joué. Si ce droit était reconnu, on pourrait faire valoir qu'une loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe enfreint le principe d'égalité devant la loi des enfants vis-à-vis du droit des enfants à avoir un père et une mère.

La loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe entraîne aussi une rupture du pacte républicain, dans la mesure où l'on a appliqué le principe d'égalité devant la loi à des couples d'individus, et non à des individus. L'égalité n'est pas un droit, mais un principe du droit, issu du principe d'isonomie défini par Clisthène au VIe siècle av. J.-C. pour lutter contre la tyrannie des aristocrates. Toute la déclaration des droits de l'homme a été pensée en fonction des droits des individus, et non de couples. Il en résulte que le devoir d'éducation et d'assistance, traduction du principe de fraternité dans le cadre de la famille, est faussé.

La solidarité intergénérationnelle procède du principe de fraternité.

Rétablir l'équilibre entre les droits et les devoirs

L'article 1er de la déclaration des droits de l'homme stipule :

« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ».

Cette phrase pose plusieurs problèmes :

  • Les hommes : non. Les hommes et les femmes, ou mieux : les êtres humains (certains êtres humains ont un sexe indéterminé).
  • Les hommes naissent : non. Les êtres humains ne naissent pas tous. Les embryons peuvent être tués avant la naissance en cas d'avortement. La déclaration n'accorde pas d'existence légale, ni de statut, ni de droits, à l'embryon humain. Ce type de problèmes est traité par des lois de bioéthique qui sont modifiées au gré du bon vouloir des différentes majorités politiques au pouvoir.
  • Les hommes naissent libres : de quelles libertés s'agit-il ? De liberté de conscience, d'opinion, d'expression ? Cela n'a pas vraiment de sens pour un bébé qui vient de naître. Ces facultés n'apparaissent qu'avec l'éducation.
  • Les hommes naissent égaux en droits : pas vraiment. L'enfant qui naît de parents riches a plus de facilités qu'un enfant qui naît de parents pauvres, surtout si l'on considère la différence de patrimoine entre riches et pauvres, et le fait que la déclaration considère le droit de propriété comme « inviolable et sacré ». Les hommes et les femmes ont de fait des droits différents à cause des différences morphologiques naturelles.
  • Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit : il s'agit d'un vœu pieux, puisque les aléas de la vie (maladie, décès, chômage, divorce...) créent des inégalités de fait.

Les rédacteurs de la déclaration voulaient dire à l'époque que les membres du Tiers État subissaient des injustices par rapport à la noblesse, à cause des privilèges de celle-ci. Il fallait donc que les pouvoirs publics prennent des mesures pour réduire les injustices qui venaient des trois ordres de l'Ancien Régime, c'est-à-dire abolir les privilèges. Mais dans le contexte actuel, la première phrase de l'article 1er de la déclaration ressemble plutôt à une fiction ou une utopie. Il vaudrait mieux écrire : « Le législateur doit faire en sorte que la loi soit la même pour tous, sans distinction de naissance ou de condition ».

L'article 2 de la déclaration de 1789 stipule :

« Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression ».

Comme je l'ai mentionné plus haut, il faudrait reconnaître aussi le droit naturel des enfants à avoir un père et une mère.

Liberté

Le droit de liberté fait l'objet des articles 4 et 11 de la déclaration de 1789. Mais la déclaration a été écrite à un autre âge : « Tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement » (article 11). Nous sommes à l'ère d'internet. On constate aujourd'hui qu'il existe une très grande liberté sur internet. On trouve même des sites internet qui incitent à des pratiques illégales. Sans aller jusque là, il y a des sites qui peuvent inciter à des pratiques qui posent question sur le plan de la sûreté ou d'autres droits fondamentaux. Est-il suffisant de poser comme principe que les sites ne doivent pas inciter à la haine raciale et à l'antiséministisme ? Le développement exponentiel de la Toile questionne sur l'exercice de ce droit, qu'il est évidemment très difficile de réguler étant donné la dimension mondiale de la Toile.

Propriété

Le droit de propriété pose des questions plus particulièrement sur les plans environnemental et social. Dans la philosophie des Lumières, le droit de propriété trouve sa légitimité dans le travail fourni pour se procurer un bien (deuxième traité du gouvernement civil de John Locke, 1690). Il est bien étrange que ce droit soit considéré comme « inviolable et sacré » (article 17). Sans doute faut-il y voir une conséquence de la philosophie de Descartes (l'homme considéré « comme maître et possesseur de la nature »), et de l'individualisme possessif de John Locke. Quoiqu'il en soit, l'Église catholique considère que le droit de propriété ne revêt aucun caractère absolu, et qu'il est subordonné au principe de destination universelle des biens, c'est-à-dire à ce que l'on pourrait appeler un devoir de gérance par le pouvoir politique. À une époque où la plupart des objets que l'on posséde en Occident sont fabriqués avec des matières premières issues des quatre coins de la planète, et où l'empreinte écologique de l'humanité dépasse la biocapacité de la Terre, ce droit pose sérieusement question. De plus, dans des situations plus franco-françaises, l'article 17 précise que « nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ». Les cas d'expropriation en vue de la construction d'infrastructures peuvent poser question sur le plan de la définition de la nécessité, ou de l'utilité publique, et de la manière dont elle est appréciée. On rencontre beaucoup de cas où des infrastructures s'avèrent peu rentables et finalement globalement peu utiles si l'on se réfère à des critères environnementaux, sociaux et économiques.

Sûreté

Le droit de sûreté n'a pas reçu de définition dans la déclaration de 1789. À l'origine, il désignait la garantie dont dispose tout individu contre une détention ou une condamnation arbitraire de l'État. Ce point est détaillé dans les articles 7 et 9. Aujourd'hui, en revanche, les contours du droit de sûreté sont mal définis. Étant donné les risques industriels que l'on rencontre aujourd'hui, il serait nécessaire d'examiner les tenants et les aboutissants du droit de sûreté du point de vue des risques industriels, mais aussi des risques sanitaires, environnementaux, alimentaires, organisationnels, juridiques, etc. On constate dans le secteur nucléaire que la culture de sûreté a dû prendre en compte, à la suite de l'accident de Tchernobyl, le facteur organisationnel. On a constaté que les risques de désorganisation générale de l'économie au passage à l'an 2000 ont pu être prévenus par la mise en œuvre du devoir de conseil par les professionnels de l'informatique. Étant donné l'utilisation maintenant généralisée de systèmes informatiques dans l'ensemble de l'économie, il faudrait en examiner les conséquences sur le plan de la sûreté, et non seulement de la sécurité informatique.

Devoirs associés à ces droits

La notion de devoir apparaît comme un objectif dans le préambule (« afin que cette Déclaration, constamment présente à tous les Membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs »), mais n'est pas explicitée dans les articles.

Il faudrait donc qu'il y ait un article qui contienne quelque chose comme : les pouvoirs publics ont le devoir de créer les conditions d'exercice des droits, qui tendent vers la réduction des inégalités. Le devoir serait entendu ici comme un devoir général de gérance.

Le problème, c'est que les trois textes ne mettent pas en avant la notion de devoir :

  • La déclaration de 1789 ne l'évoque que dans son préambule sans l'expliciter dans les articles ; elle s'inspire des philosophes des Lumières français (Rousseau, Montesquieu essentiellement).
  • Le préambule de la constitution de 1946 mentionne « le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi », mais on ne voit pas ce que cela signifie si la société ne crée pas les conditions pour que l'on crée des emplois. Elle indique que l'organisation d'un enseignement public gratuit et laïque est un devoir de l'État. Dans les faits, le devoir d'éducation n'est pas seulement exercé par l'État, donc cette phrase est mal formulée. Elle mentionne également que la France forme avec les peuples d'outre-mer une Union fondée sur l'égalité des droits et des devoirs, ce qui reste très général, et n'est d'ailleurs pas toujours respecté : cas d'expatriés dans les TOM qui disposent de privilèges.
  • La charte de l'environnement considère que « toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement », ce qui est on ne peut plus vague.

Le même problème existe dans la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948. La déclaration de 1789 s'inspire des philosophes des Lumières français (Rousseau, Montesquieu).

Souvenons-nous de ce que Gandhi a déclaré avant l'adoption de la DUDH :

« J’ai appris de ma mère, illettrée mais fort sage, que tous les droits dignes d’être mérités et conservés sont ceux que donne le devoir accompli […] On pourrait montrer que tout autre droit est seulement une usurpation pour laquelle il ne vaut pas la peine de lutter ».

Le philosophe chinois, Chung-Shu Lo, développe la conception confucéenne des droits de l’homme :

« L’homme doit s’acquitter de ses devoirs envers les autres plutôt que de revendiquer des droits, tel est le fondement moral des relations sociales et politiques en Chine. La notion d’obligations mutuelles constitue l’enseignement essentiel du confucianisme ».

Ensuite, il faudrait préciser des types de devoirs plus particuliers que ceux concernant l'environnement en général, qui découlent de la fraternité, en tant qu'elle comporte des obligations morales :

  • le devoir de consultation, avant de prendre une décision importante ;
  • le devoir d'éducation ;
  • le devoir d'information et de conseil ;
  • le devoir de service (notamment en contexte professionnel, pour garantir le droit de sûreté notamment) ;
  • le devoir d'assistance ;
  • le devoir de vigilance...

en précisant les grands types d'acteurs concernés. Il faudrait préciser comment ces différents types de devoirs permettent de garantir les droits fondamentaux de l'homme.

Articulation entre le local et le global

On constate aujourd'hui que, sur les nouvelles lois promulguées en France, 60 à 70 % sont des transpositions de directives européennes, souvent dans le domaine de l'environnement : directive cadre sur l'eau, directive relative à l’évaluation et à la gestion des risques d’inondation, règlement Reach, directive sur les déchets d'équipements électriques et électroniques, etc.

Il apparaît que de telles méthodes sont particulièrement contraignantes, et tendent à répandre un sentiment d'euroscepticisme dans la population européenne, pour ne pas dire de nationalisme ou une tentation de repli sur soi, ou pire encore de dérive vers les extrêmes. Les parlements nationaux sont réduits à des chambres d'enregistrement. Les parlementaires dans chaque État sont discrédités et perdent toute autorité sur leurs électeurs. La souveraineté des États est menacée. On a vu que cette crainte a entraîné le rejet du projet de traité constitutionnel européen par une nette majorité de Français.

En fait, il y a certainement beaucoup d'idées intéressantes dans les directives qui nous parviennent de l'Union européenne. Cependant, là où le bât blesse, c'est qu'elles contreviennent au principe de subsidiarité, selon lequel il faut privilégier le niveau inférieur d'un pouvoir de décision aussi longtemps que le niveau supérieur ne peut pas agir de manière plus efficace. Cela est particulièrement évident en ce qui concerne le risque d'inondation : n'est-ce pas absurde qu'une commune attende les directives de l'Union européenne pour mettre en place un plan de gestion des risques d'inondation, comme le fait remarquer le député-maire de Crest, Hervé Mariton ?

Sur le plan de la gestion de l'information, les directives européennes sont un non-sens : les textes des directives sont écrits en format html ou pdf, sans aucun lien vers d'autres textes. Il apparait évident que cette méthode de gestion de l'information est tout à fait rudimentaire par rapport à ce qu'il est possible de faire avec le Web 2.0 ou les wikis. Il serait donc hautement souhaitable de transformer une certaine proportion de la base juridique de l'Union européenne en une super-base de connaissances multilingue. C'est ce que je propose dans la page innovation responsable dans le paragraphe « Partage structuré des informations : sémantique, web 2.0, réseaux sociaux ».

Droits de l'humanité

Le projet de déclaration des droits de l'humanité de 2015 corrige assez largement les défauts des déclarations actuelles.

Notamment, parlant de famille humaine, il corrige l'individualisme sous-jacent dans la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et précise l'articulation entre le local et le global. Concernant la prise en compte des droits des générations futures, il y fait implicitement référence grâce au principe de responsabilité, d’équité et de solidarité, intragénérationnelles et intergénérationnelles, et au principe de non-discrimination à raison de l’appartenance à une génération. Concernant les devoirs, il rétablit une certaine symétrie entre les droits et les devoirs, assignant plutôt des devoirs aux générations présentes, avec six devoirs pour six droits.